14 janvier 2020
Éric Dubé : à chaque problème sa solution
Personnalité de l'année 2019
©(Photo Chaleurs Nouvelles – Roxanne Langlois)
Éric Dubé ne connaissait absolument rien aux trains ni aux chemins de fer lorsqu’il a été désigné président de la SCFG, qui exploite le chemin de fer gaspésien. Il s’est approprié ce dossier fort complexe à une vitesse remarquable.
PERSONNALITÉ 2019. À mille lieues d’être un expert en transport ferroviaire à son arrivée à la Société du chemin de fer de la Gaspésie (SCFG) en 2014, le maire de New Richmond est pourtant devenu un acteur clé dans cet important dossier qui a très largement progressé au courant de 2019. Parce qu’il fait preuve d’un entêtement qui fait progresser toute la région, le Chaleurs Nouvelles a choisi Éric Dubé comme personnalité masculine de l’année 2019.
Le principal intéressé est dans un bar, un vendredi, lorsqu’on lui lance tout bonnement qu’il devrait tenter sa chance comme conseiller aux élections partielles de 1999 au sein de sa municipalité d’origine, New Richmond. Le producteur de pommes de terre l’ignore encore, mais sa vie prendra à ce moment un nouveau tournant qui le mènera plus tard à la mairie (2013), à la présidence de la SCFG (2014) puis à la préfecture de la MRC de Bonaventure (2017).
Délaissant la production agricole et cédant son entreprise de transformation alimentaire, M. Dubé troque les champs pour des salles de réunion et l’hôtel de ville. « Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est mon expérience comme agriculteur. C’est un métier difficile, mais ça t’amène à toujours trouver des solutions à tout », explique-t-il, ajoutant que son passage au sein de l’Union des producteurs agricoles (UPA) fut également immensément formateur.
De mauvaises surprises
Si Éric Dubé est passé maître dans l’art de résoudre des problématiques, il se retrouve confronté à une situation à laquelle il ne s’attendait pas lorsqu’il lève la main pour représenter la MRC Bonaventure à la table de la SCFG. « Personne ne m’avait dit qu’on devait 4,2 millions $ à nos créanciers et qu’on allait devoir se placer sous la protection de la Loi sur la faillite l’année suivante », lance-t-il sans détour. « Le patient n’était pas encore aux soins palliatifs, mais c’est là qu’il aurait dû être », renchérit-il. Qui plus est, la SCFG est à cette même époque plongée dans l’eau chaude pour avoir utilisé des herbicides puis une solution saline sur les rails, causant de la corrosion.
Après s’être rapidement approprié le complexe dossier du rail gaspésien, l’ex-producteur agricole travaille, de concert avec d’autres acteurs impliqués, à redresser la situation. La vente de l’infrastructure au gouvernement provincial devient inévitable, en mai 2015, afin que puissent être remboursés les nombreux créanciers.
La partie est néanmoins bien loin d’être gagnée : VIA Rail s’étant retirée du tronçon gaspésien pour des raisons de sécurité en septembre 2013, M. Dubé et ses acolytes auront cette fois à convaincre Québec d’investir pour le maintien de ce qui est désormais son infrastructure. « Il y a des gens au gouvernement qui étaient prêts à mettre 36 millions $ pour remplacer le rail par une piste cyclable à Chandler », se remémore Éric Dubé.
Celui qui dit être en politique pour « faire avancer des projets » refuse d’abandonner et multiplie les représentations. « Un jour, le ministre des Transports de l’époque, Robert Poëti, m’a dit que j’étais tenace. Je lui ai demandé si c’était une belle façon de me dire que j’avais une tête dure. Il m’a dit oui », lance l’élu en riant.
Le gouvernement libéral de Philippe Couillard confirme en 2017 que 100 millions $ seront investis pour ramener le train jusqu’à Gaspé, mais les revendications reprendront lorsque le gouvernement de François Legault prendra le pouvoir, l’année suivante.
Une année importante
En 2019, Éric Dubé et ses acolytes travaillent pour convaincre le nouveau gouvernement caquiste de garder le cap sur l’orientation des libéraux; celui-ci sécurisera les 100 millions $ et annoncera, en avril, son intention de réhabiliter la voie ferrée dans un horizon de sept ans. Ce délai, jugé excessif par plusieurs acteurs régionaux, sera plus tard réduit à six ans à la suite d’une rencontre avec le premier ministre québécois.
« Dans ce dossier-là, ce n’est plus qu’une question de délai, le travail que l’on pouvait faire est fait. Il ne reste plus, maintenant, qu’à mettre la bonne pression. Il faut comprendre qu’un pont, ça ne s’achète pas au Wal-Mart ou chez Costco », image-t-il. Le président de la SCFG estime maintenant que l’État a en quelque sorte « le bras dans le tordeur » et qu’il lui sera difficile de reculer.
Éric Dubé admet être fébrile à l’idée de monter à bord du train lorsqu’il pourra enfin faire la liaison entre Matapédia et Gaspé : « Je l’ai dit souvent, j’aimerais vraiment être à bord lorsqu’il passera pour la première fois sur le nouveau pont de la rivière Cascapédia ».
Il est néanmoins loin de s’approprier la victoire dans ce dossier. « Je ne veux pas passer pour un messie ou un sauveur. Oui, j’ai une bonne capacité d’écoute, mais tout ce que j’ai réussi à faire dans la dernière année et avant, je l’ai fait parce qu’il y avait des gens compétents avec moi », confie celui qui gère désormais une instance générant des revenus annuels de neuf millions $ et qui emploie quelque 40 personnes.
Éric Dubé, qui considère le train comme un véritable moteur économique régional, n’a certes pas fini de travailler afin que le transport de marchandises et de personnes soit de retour d’un bout à l’autre de la péninsule. Gageons néanmoins que la région pourra compter sur lui si des difficultés surviennent en cours de route. « Quand je m’implique dans quelque chose, je suis juste incapable de le faire à moitié », confie l’ancien entrepreneur.
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